Autant vous le dire immédiatement et que je sois clair avec vous, Aventures dans le monde intérieur (AMI) est un de mes coups de coeur de cette année 2012. Je ne suis pas un gros consommateur de jeu de rôle, en témoigne cette critique tardive du jeu sortie dans sa seconde édition en avril 2010. Mais il me faut bien vous l'avouer, dés les premières pages de ce livre de base je suis tombé sous le charme et fort bien enthousiasmé par ce jeu avec une irrésistible envie de plonger dans le monde intérieur.
Non non, ne partez pas maintenant, avec un tel préambule vous vous dites que je vais vous livrer une critique de fanboy. Mais non, en étant objectif, le livre de base d'AMI n'est pas exempt de défauts. Ho rien de rédhibitoire, je suis clairement conquis mais tout n'est pas parfait à mon goût.
Bref, décortiquons ensemble ce livre de base.
AMI c'est quoi ?
Plutôt que de vous donner une n-ième description du jeu vous renvoie vers la fiche du GROG ou vers le site officiel du jeu. Comment ça je suis fainéant ? Bon pour faire simple et efficace, plutôt qu'un long discours voilà quelques mots clés en vrac et représentatifs du jeu, de son ambiance et de son univers :
Jules Verne, terre creuse, 1888, victorien, exploration, aventure, sociétés secrètes, Club Arcadia, Masque noir, Atlante, civilisations, exotisme, gentleman, lady, expéditions, voyages, découvertes, inventions, diplomatie, colonie
Le bouquin
Sur la forme, le livre est splendide et contribue parfaitement à l'immersion dans le monde intérieur et l'époque victorienne. A commencer par la couverture rigide. C'est du solide, du plus bel effet avec une illustration qui annonce d'emblée le ton et le style du jeu et que je trouve très réussie.
256 pages au format A4 bien remplies et à la mise en page soignée et impeccable. "So chic", le choix des différents tons de gris (l'intérieur est en noir et blanc), le style des titres, les arrières plans, l'ensemble rend bien l'ambiance "gentleman du 19e".
Les illustrations sont réussies. La plupart sont crayonnées ou réalisées avec quelques coups de pinceaux ce qui donne un aspect croquis scientifique ou esquisse prise lors d'un voyage. Un regret cependant, les illustrations sont trop peu nombreuses. Ce manque se fait en particulier sentir sur certains chapitres comme ceux traitant des peuples ou des créatures du dessous. Et on peut remarquer que l'on a tenté de combler ce manque en recyclant certaines illustrations en les réutilisant sur plusieurs pages du page du bouquin. Pas très gênant, mais dommage...
Quoi qu'il en soit, le livre est beau et très agréable visuellement.
Le texte est découpé en 8 grands chapitres appelés "Livres".
Livre I : Introduction
4 pages.
Ça commence par une présentation de ce qu'est un jeu de rôle, accompagnée par un exemple de partie. C'est bien sûr une présentation du jeu rôle façon AMI et comme l'a conçu son auteur. Ici, on reste sur un JdR classique, avec meneur, scénario et tout le toutim... Et c'est une très bonne chose cette présentation car le jeu peut, je pense, intéresser des personnes n'ayant pas ou peu de pratique rôliste. En effet, le thème historique-fantastique inspiré de l'oeuvre de Jules Verne, un classique, est assez mature et intéressant pour attirer (ou être conseillé) à des non-rôlistes (ou non-geeks).
Livre II : Carnets d'aventures du Club Arcadia
110 pages.
Voilà le gros morceau de ce livre de base traite de l'univers de jeu. L'essentiel de ce qu'il est utile de connaître sur le monde intérieur et celui de la surface à la fin XIXe est présenté par la voix d'un professeur du Club Arcadia. Du coup la lecture est plutôt agréable et l'aspect encyclopédique d'un tel chapitre est légèrement gommé mais toujours présent selon moi. Plus de 100 pages de background reste toujours (pour moi en tout cas) un peu rude à assimiler.
Club Arcadia ? Il s'agit d'une des deux organisations de la surface détenant le secret de l'existence du monde intérieur. Les PJs sont censés appartenir tôt ou tard à ce club composé d'aventuriers, scientifiques et gentlemens. Les arcadiens sont clairement les gentils, bienveillants à l'égard du monde du dessous. L'autre organisation est le Maque noir, des profiteurs et pilleurs sans scrupule. C'est manichéen et stéréotypé à mort mais jouer dans le camp des gentils qui s'opposent aux autres salauds, c'est parfaitement dans l'esprit aventure pulp (un peu comme dans une autre époque Indy contre les méchants nazis).
Donc ce chapitre commence par l'historique du monde intérieur et de sa découverte. C'est bien écrit et plaisant à lire et même prenant. Un passage nécessaire pour bien comprendre l'univers. Mais j'aurais apprécié une chronologie pour synthétiser toutes ces infos.
Puis vient la description du décor : minéraux, végétaux et vestiges atlantes. Dépaysant et exotique. Mais je suis déçu sur un point, l'explication sur la lumière du dessous ne me convainc pas. Voilà une question que je me posais avant d'entamer la lecture du bouquin : Comment le monde du dessous est-il éclairé ? Et bien par des animaux, végétaux et minéraux phosphorescents ou luminescents, ou par des rivières de lave ou bien encore des puits de lumières. Je sais pas, mais pour moi ça ne le fait pas. Pas crédibles. Je chercherai une autre explication.... pas bien grave après tout.
Les pages suivantes traitent de la géographie, des peuples et des races du Monde Intérieur. C'est du très bon. Y en a pour tous les goûts pour varier l'exotisme et le dépaysement. Les possibilités et thèmes de jeu sont nombreux dans le monde intérieur. J'ai apprécié les quelques encarts parsemés donnant des idées d'aventures (j'en voudrais plus des comme ça !), et les pages donnant des conseils pour créer soit même ses peuples et régions du dessous seront bien utiles.
Mais j'ai tout de même un très gros bémol à mettre sur cette présentation du monde intérieur. Il manque terriblement de données chiffrées, quantifiées, cartographiées ou illustrées. C'est très certainement une volonté de l'auteur que de rester en permanence dans le flou artistique pour laisser à chacun le loisir d'utiliser chaque élément du background comme il le souhaite. Mais c'est aussi une facilité. J'aurai aimé avoir plus d'illustrations d'éléments culturels ou de représentants typiques de chaque peuple. J'aurais voulu connaitre la taille des régions, le nombre d'habitant. J'aurais aimé avoir une ou plusieurs carte du dessous, avoir des repères par rapport à la surface et qu'on me dise telle régions est sous l'Afrique, tel peuple vit sous l'Europe. Mais rien de tout ça... Si comme moi vous aimez la précision, vous serez déçus.
Pour terminer ce chapitre, on remonte à la surface, avec une présentation trop rapide de l'Empire britannique et de l'époque victorienne. Ça manque de détails et de référence historique. Puis le Club Arcadia, le Masque Noir et les Gardiens. Les Gardiens forment une troisième faction que je trouve très inspirantes avec de belles possibilités d'intrigues. Il s'agit d'une faction sans âge, mystérieuse, tentaculaire, influente, et infiltrée dans tous les niveaux.
Livre III : Des règles de base
30 pages.
Le principe de base est plutôt simple : on lance 3d6 auxquels on ajoute (ou soustrait) la valeur d'un talent qui est définie en bonus fixe et/ou en d6. Il faut dépasser ou égaler 10 pour réussir son jet. On se retrouve donc à lancer des 4d6+2 ou des 3d6-2. Pour refléter de la difficulté, le meneur peut imposer un malus (jusqu'à -6) ou un bonus (jusqu'à +4).
Premier constat : 3d6 pour battre 10, c'est 63% de chance de réussir. Facile, trop facile ? A voir. Les PJs sont donc plutôt bien compétents, ce qui est assez logique puisqu'ils sont censés être dans l'élite de l'époque. Et avec la possibilité d'échanger 1d6 contre un 3 automatique, l'impression de facilité est encore plus accentuée.
Deuxième constat : Un personnage non compétent (sans amélioration de talent) lancera 3d6. Un personnage spécialiste lancera 4d6+2 (cf les prétirés). Si au niveau des probabilités la différence est énorme. Sur le papier, ou plutôt sur la feuille de personnage, la différence est je trouve pas suffisamment marquée. Au premier coup d'oeil, on n'a pas cette sensation de "je suis sommité dans ce domaine" ou "je suis incompétent dans ce talent". Pourtant l'univers d'AMI basé sur l'aventure et le pulp aurait mérité des héros bien plus stéréotypés.
Donc le mécanisme de base est simple. Et c'est très bien car le Monde Intérieur, l'époque victorienne et l'ambiance aventure n'aurait pas été propice à un système plus tactique ou trop centré sur les personnages.
La résolution des conflits physiques (autrement dit le combat) est décevante, trop classique, trop de jets (initiative+attaque/défense+dégâts), trop de calculs (pour les dégâts il faudra lancer 3d6 + potentiel de l'arme + marge de l'attaque - marge du défenseur ... ouf)
Les personnages sont aussi définis par des qualités et des défauts donnant bonus et malus et permettant de les typer. Du déjà vu, mais ça fonctionne toujours bien. Donc bonne idée mais qui aurait mérité d'être mise plus en avant par le système.
Bon point, la création des personnages est très rapide et se fait essentiellement en choisissant un archétype parmi les 15 proposés. Pratique, on voit immédiatement quels sont les types de personnage que l'on peut jouer. Et comme les PJs sont censés être des sortes de spécialistes dans leur domaine, passer par des archétypes permet justement de créer des spécialistes.
Je vous ai gardé le meilleur pour la fin à propos de ces règles de bases : Les ouvrages. Voilà LA bonne idée du système. Il s'agit de capacités particulières propre à chaque archétype et qui donne les moyens à chaque PJ de se démarquer en accomplissant de grands chantiers qui pourront être bénéfiques à tout le groupe. Ces ouvrages se réalisent sur le long terme en jeu ou entre 2 parties. Les ouvrages sont, en quelque sorte, un jeu dans le jeu, la carotte qui va pousser les joueurs à développer leur PJ et apporter leur pierre à l'édifice du groupe et de l'aventure.
Livre IV : Des règles avancées
14 pages.
Les règles avancées restent dans l'esprit des règles de base, c'est à dire simple d'utilisation. Elles vous serviront pour tous ce qui concernent l'exploration, gestion d'expédition, établissement de colonies, etc...
Livre V : Gentlemen, sauvages et scélérats
44 pages.
Le chapitre commence par 8 personnages prétités assez variés. Je regrette le choix fait ici de proposer des personnages avec un certain vécu et ayant déjà connaissance du Monde Intérieur. Des personnage pas idéal pour commencer le jeu.
Vient ensuite le bestiaire du dessous. ça va de l'animal courant comme l'araignée à la créature mythique comme le basilic. C'est bien écrit, y a du choix mais pas suffisamment à mon goût, j'aurai aimé plus de créatures exotiques. Dommage qu'il n'y ait pas plus de suggestions de scénarios pour mettre en scène toute cette faune. Et surtout ça manque cruellement d'illustrations !
Livre VI : Au secours des mycophages
29 pages.
Campagnes de 3 scénarios.
Les 2 premiers se déroulent sur la surface, le dernier se passe dans le Monde Intérieur. Certains joueurs pourraient être déçu que la campagne ne propose pas plus de visite du dessous. Personnellement ça ne me dérange absolument pas.
Dans l'ensemble, cette campagne est une déception.
Pour commencer, elle est prévue pour être jouée avec les prétirés, donc des personnages déjà membre du Club Arcadia et ayant déjà voyagés dans le Monde Intérieur. Pourquoi ce choix ? Pourquoi ne pas avoir proposé une vrai campagne d'introduction permettant de découvrir l'univers du jeu progressivement ?
Ensuite, les scénarios ne sont pas suffisamment ancrés dans l'époque victorienne. Tels qu'ils sont présentés, les scénarios auraient tout aussi bien pu se dérouler 40 ans plus tôt ou plus tard que ça n'aurait pas changer grand chose. ça manque de référence historique.
Les scénarios sont courts et manquent de développement, les transitions entre les scènes ne sont pas toujours bien expliquées, en particulier pour le premier.
Dommage car il y a de bonnes idées dans cette campagne et l'ambiance aventure/exploration/mystère est bien là.
Livre VII : Aux portes de l'inconnu
13 pages.
Nouvelle d'ambiance.
Livre VIII : Annexes
10 pages.
Feuille de personnage, index et crédits.
Pour conclure
Au final, le livre de base d'Aventures dans le Monde Intérieur est une très belle réussite. C'est bien écrit et très inspirant, la mise en page est classieuse, les possibilités de jeu sont nombreuses, le système est complet, fonctionnel, facile à prendre en main et avec quelques très bonnes idées. Même si tout n'est pas parfait, avec quelques regrets sur les prétirés mal pensés pour débuter, la campagne à retravailler, un système un poil trop classique et le manque d'illustrations et de carte, le bilan est plus que positif ! Bref, je suis ravi par cette découverte.
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